Wed Apr 23
« Respect », d’Anouk Grinberg : aller droit au cœur du mal
2025-04-18
HaiPress
Livre. Il est facile d’ouvrir ce livre avec une certaine lassitude – encore un récit de comédienne mettant son intimité à découvert ; encore un témoignage d’actrice racontant les violences auxquelles son métier l’a exposée. Ces deux dernières années,l’exercice est presque devenu un genre à part entière. Pourtant,l’écriture d’Anouk Grinberg dans Respect emporte très vite le lecteur par sa simplicité déterminée,sa façon d’éviter les précautions et les détours,sa volonté d’aller droit au cœur du « mal » – notion évoquée dès la deuxième ligne du livre.
« Je shoote dans les secrets,je shoote dans les mensonges et les hypocrisies,annonce-t-elle d’entrée. J’explose le tombeau où j’étais endormie. » Et l’on tourne bientôt les pages le souffle coupé,impressionné par la capacité de l’autrice à démonter les mécanismes de l’engrenage « archétypal,banal,mondial »,qu’elle illustre par sa propre vie : les atteintes sexuelles aux « conséquences indélébiles » dès l’enfance,la détestation de soi,le refuge paradoxal dans la condition de proie et la difficulté,voire l’impossibilité,de s’arracher à cette « spirale ». C’est une « cage de honte. Ça dure quelques minutes pour l’homme et une vie entière pour la femme ».
Pour l’artiste,comédienne réputée et peintre accomplie,ce chemin de souffrance commence par un viol à l’âge de 7 ans chez sa meilleure amie : il est commis par le beau-père de cette dernière,devant le visionnage d’un film. « Ce qui meurt ce jour-là ne reviendra jamais. » Il continue,à 12 ans,par un acte incestueux du frère aîné adoré,rapidement étouffé par une cellule familiale au fonctionnement chaotique. Tandis que la mère s’enfonce dans une maladie dépressive,le père – le dramaturge et homme d’affaires Michel Vinaver (1927-2022) – est absorbé par son intense activité professionnelle et sa passion du théâtre.
Le sexe,« une atrocité »
Pendant ce temps,les enfants grandissent trop seuls. Adolescente,Anouk Grinberg a des comportements sadiques avec son chat,serre contre elle un singe en peluche qu’elle a baptisé « Zizi » et s’imagine perdre sa virginité en se prostituant rue Saint-Denis. Pour la jeune fille qui se passionne soudainement pour la géologie,car elle « rêve de minéral,d’absence,de non-conscience »,le sexe devient « une atrocité » qui n’a pas de rapport avec l’amour. Cela n’a jamais changé,même pour la femme de 62 ans qu’elle est aujourd’hui.Il vous reste 54.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.